Histoire de la CIVS

Publié le 11/03/2024 - Mis à jour le 02/07/2024

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Le 16 juillet 1995, à l’occasion de la commémoration de la « Rafle du Vel d’Hiv » du 16 juillet 1942, le Président de la République Jacques Chirac a reconnu la part de responsabilité des autorités françaises dans les persécutions, dont la communauté juive a été victime, durant l’Occupation. Dès lors, les pouvoirs publics ont envisagé de réparer les dommages matériels subis par la communauté juive en France.

Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France (1997)

La Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, connue également sous le nom de « Mission Mattéoli », du patronyme de son président, a été instituée par arrêté du Premier ministre le 25 mars 1997.

Dans un courrier adressé le 5 février 1997 à Jean Mattéoli, président du Conseil économique et social et ancien déporté résistant, le Premier ministre Alain Juppé définit les contours de cette mission :

« Afin d’éclairer pleinement les pouvoirs publics et nos concitoyens sur cet aspect douloureux de notre histoire, je souhaite vous confier la mission d’étudier les conditions dans lesquelles des biens, immobiliers et mobiliers, appartenant aux juifs de France ont été confisqués ou, d’une manière générale, acquis par fraude, violence ou dol, tant par l’occupant que par les autorités de Vichy, entre 1940 et 1944. Je souhaite notamment que vous tentiez d’évaluer l’ampleur des spoliations qui ont pu ainsi être opérées et que vous indiquiez à quelles catégories de personnes, physique sou morales, celles-ci ont profité. Vous préciserez également le sort qui a été réservé à ces biens depuis la fin de la guerre jusqu’à nos jours. »

La Mission Mattéoli a notamment travaillé sur l’« aryanisation » économique, le blocage des comptes bancaires, le pillage des logements, la spoliation des biens laissés par les internés dans les camps, les contrats d’assurances ou encore les droits d’auteurs-compositeurs. Ces travaux s’accompagnent de données statistiques précises qui témoignent de l’ampleur et de la nature des spoliations subies : 80.000 comptes bancaires et 6 000 coffres bloqués ; 50.000 entreprises « aryanisées » ; 40.000 appartements vidés de leur contenu ; 100.000 objets d’art et des millions de livres volés. Ils précisent en outre les effets des procédures de restitution et de réparation mises en œuvre après 1945.

Les conclusions des recherches ont abouti à une série de recommandations dont l’objectif est de consolider le travail de mémoire sur cette période. Le 17 novembre 1998, Jean Mattéoli propose ainsi au Premier ministre de « créer une instance chargée d’examiner les demandes individuelles formulées par les victimes de la législation antisémite établie pendant l’Occupation ou par leurs ayants droit. Elle garantirait un suivi du traitement des demandes et serait chargée d’y apporter des réponses qui pourraient prendre la forme d’une réparation. »

La recommandation n° 8 du Rapport général de la Mission Mattéoli édicte le principe général en matière de restitutions individuelles : « Quand un bien dont l’existence en 1940 est établie a fait l’objet d’une spoliation et n’a pas été restitué ou indemnisé, l’indemnisation est de droit quels que soient les délais de prescription en vigueur. »

Installation de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (1999)

Par le décret du 10 septembre 1999, Lionel Jospin, Premier ministre, institue une commission chargée d'examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites prises, pendant l'Occupation, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy.

Premier président de la Cour de cassation de 1988 à 1996, Pierre Dray est nommé le 15 novembre 1999 président de cette nouvelle commission, alors composée de dix membres. Le préfet Lucien Kalfon est nommé directeur des services, qui s’installent, à partir de 2000, au n° 1 de la rue de la Manutention, à Paris 16e.

Comité d’histoire auprès de la CIVS (2007)

Un comité d’histoire auprès de la CIVS, présidé par le secrétaire général du gouvernement, a été placé en 2007 sous la direction scientifique d’Anne Grynberg, professeure d’histoire contemporaine. Il avait pour mission de contribuer à une meilleure connaissance de la politique française d'indemnisation des spoliations antisémites, de l'histoire et du fonctionnement de la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations ainsi que de procéder à une étude des instances comparables existant dans d'autres pays (arrêté du 3 août 2007 instituant un comité d'histoire auprès de la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation).

Parmi les réalisations du Comité d’histoire :

  • La publication, en 2013, de l’ouvrage L’Irréparable. Itinéraires d‘artistes et d’amateurs d’art juifs, réfugiés du « Troisième Reich », un recueil de récits de vie d’artistes juifs d’Allemagne et d’Autriche réfugiés en France à partir de 1933, spoliés et persécutés dans l’un et l’autre pays. Ce projet a été mené en collaboration avec l’Office allemand de recherche sur les biens culturels spoliés (Koordinierungsstelle für Kulturgutverluste) qui siège à Magdebourg.
  • L’organisation, le 14 avril 2013, dans le cadre de l’exposition La spoliation des Juifs : une politique d’État (1940-1944) présentée par le Mémorial de la Shoah, d’une journée d’étude sur le thème : Restitutions des « biens juifs » spoliés, indemnisations, « réparation(s) ».
  • L’organisation d’un atelier de recherche international autour de la thématique « The Politics of Repair : Restitution and Reparations in the Wake of the Holocaust » qui s’est tenu à l’United States Holocaust Memorial Museum de Washington, du 22 juillet au 3 août 2013.
  • La publication, en 2023, de l’ouvrage Sur nos traces. Récits de persécution, spoliation, réparations, édité par la Documentation française. Un ouvrage de mémoire qui articule quinze récits de familles juives – ayant toutes déposé une demande d’indemnisation devant l’État français - dépouillées de leurs biens et persécutées sous l’Occupation, et l’éclairage de l’historienne Anne Grynberg.

« Faire mieux » sur la restitution des biens culturels (2018)

A l’occasion de la commémoration de la rafle du Vél' d'Hiv' le 22 juillet 2018, Edouard Philippe, Premier ministre, a demandé de « faire mieux » en matière de recherche et de restitution des œuvres d'art spoliées aux familles juives.

En 2018, les modes de saisine de la CIVS ont été élargis pour permettre la recherche des propriétaires, ou de leurs ayants droit, des biens culturels spoliés en France entre 1940 et 1944 en application de législations antisémites. La création en avril 2019 de la M2RS, Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945,  par arrêté du ministre de la Culture va de pair avec ce renforcement du rôle de la CIVS.

20e anniversaire de la CIVS (2019)

Le 15 novembre 2019 s’est tenu le colloque « Vingt ans de réparation des spoliations antisémites pendant l’Occupation : entre indemnisation et restitution ». Ce colloque, international et pluridisciplinaire, a accueilli près de 400 personnes au 20, avenue de Ségur à Paris 7e, nouvelle adresse de la CIVS. Cet événement témoignait du moment auquel était parvenu la mission de la CIVS : arrivée à l’âge de la maturité, la CIVS pouvait faire le bilan de ses années d’activité, mais elle devait aussi envisager l’avenir et les défis qui lui restaient à relever, au premier rang desquels la difficile question des biens culturels spoliés. Retrouver le programme du colloque.

Loi cadre pour la restitution des biens culturels (2023)

La restitution des biens relevant du domaine public se heurtait cependant au principe d’inaliénabilité des collections publiques. Ainsi, une loi d’espèce du 21 février 2022 a été nécessaire pour permettre la restitution de 15 tableaux aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de spoliations antisémites.

La loi cadre du 22 juillet 2023 permet désormais de déroger, après avis de la CIVS, au principe d’inaliénabilité pour prononcer la sortie du domaine public d’un bien culturel spolié aux fins de sa restitution à ses propriétaires légitimes. Cette loi prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les règles relatives à la compétence, à la composition, à l’organisation et au fonctionnement de la CIVS. C’est l’objet du décret du 5 janvier 2024, entré en vigueur le 1er février 2024.

La CIVS, désormais dénommée Commission pour la restitution des biens et l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites, se voit chargée de trois missions distinctes : 

  • recommander les mesures de réparation des spoliations antisémites matérielles et bancaires intervenues en France entre 1940 et 1944, exclusivement sur la saisine des ayants droit ;
  •  recommander les mesures de réparation des spoliations antisémites de biens culturels intervenues en France entre 1940 et 1944, sur la saisine de toute personne concernée ou par autosaisine ;
  • recommander la restitution de biens culturels spoliés dans le contexte des persécutions antisémites nazies, y compris hors de France, entre 1933 et 1945, lorsque ces biens sont conservés dans une collection publique ou assimilée.
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